PALEORIENT, Vol. 2, n° 2, 1974. pp. 469476

A PROPOS DES DEFORMATIONS CRANIENNES ARTIFICIELLES OBSERVEES AU PROCHE-ORIENT

Metin OZBEK

Les têtes artificiellement déformées par les bandages ou par les planches ont depuis longtemps sollicité l'attention des voyageurs par leurs formes étranges. C'est d'abord dans les notes d'Hippocrate que nous rencontrons les premières descriptions des têtes déformées. Il donne comme exemple les habitants de Ponus Euximus (près de la Mer Noire) et désigne les têtes allongées de ceux-ci sous le nom de " Macrocéphalie ". De telles observations ont été ensuite remarquées dans les notes d'Hérodote et de Strabon. Ce dernier donne comme référence certains villages du Caucase et les habitants de la région du Danube.

La pratique curieuse de déformer la tête se rencontre à peu près partout : en Afrique, chez les tribus des Mamboutous du Congo-Belge (l),chez les Malgaches de Vazimba (2), en Océanie chez certaines populations des Fidji, de la Nouvelle-Calédonie, en Asie et jusqu'à une date récente en Grèce, en Hongrie, en France, etc.. Mais la fréquence maximum de cette coutume se trouve en Amérique aussi bien dans le Sud que dans le Nord.

En étudiant les diverses formes de déformation artificielle nous sommes frappés par ce fait : chaque population, en modifiant intentionnellement la tête de ses enfants, s'efforce de donner à un contour - qui est en grande partie génétiquement prédéterminé - une expression encore plus caractéristique. Ainsi lorsqu'elles ont recours à des manoeuvres pour en modifier la forme, les populations brachycéphales cherchent à la raccourcir et les dolichocéphales à l'allonger. Les Néolithiques

céphales de Chypre chez lesquels le procédé pour déformer la tête accentuait le caractère de brachy с éphalie et les Chalcolithiques dolichocéphales de Seyh Hoyuk (Turquie) ainsi que ceux de Byblos (Liban) chez lesquels nous observons l'accentuation du caractère de dolicho- céphalie, constituent de bons exemples de ce que nous venons de dire.

La déformation artificielle est considérée sous deux aspects : l'un est la déformation volontaire, l'autre involontaire. La déformation involontaire est le résultat d'une pression accidentelle sur la tête; par exemple l'usage d'attacher la tête de l'enfant à la planche qui constitue le fond du berceau a accentué la plano- occipitalie chez les Arménoïdes du Liban. Cet usage est encore de coutume aujourd'hui chez ceux-ci (3). Quant à la déformation volontaire, nous la divisons en deux parties, l'une tabulaire résultant d'une compression fronto- occipitale produite par des planches et même de temps en temps par des pierres aplaties, comme on le rencontre par exemple chez certains habitants de la Polynésie (4). L'autre type de déformation est circulaire (ou orbicu- laire); ici la pression est effectuée par les bandages.

Ayant établi une répartition de la déformation crânienne artificielle à travers le monde à la fois dans le temps et dans l'espace (5) nous nous sommes aperçus que les crânes déformés les plus anciens provenaient de l'Asie- Mineure et du Proche-Orient : ce sont les Néolithiques de Khirokitia (ChypreX6), les Chalcolithiques de Seyh

469