Un homme "très étrange", toujours souriant, qui, "à table et dans son palais, se comporte en empereur romain", ne manifeste aucune sympathie pour les victimes et affiche sa certitude de rester impuni : Dick Marty, rapporteur au Conseil de l'Europe sur les violations des droits de l'homme dans le Caucase du Nord, a gardé une vive impression de sa rencontre, il y a huit mois, avec Ramzan Kadyrov, président de la République russe de Tchétchénie.
Cet ancien magistrat suisse était venu témoigner, mardi 23 novembre, au procès des trois meurtriers présumés du dissident tchétchène Oumar Israïlov, abattu en pleine rue à Vienne, le 13 janvier 2009. Le procureur viennois pense qu'ils ont agi sur ordre de Kadyrov, contre lequel Israïlov avait porté plainte pour torture devant la Cour européenne des droits de l'homme. Sur l'écran de la salle du tribunal, des photos montrent l'un des accusés embrassant le président tchétchène ou en compagnie d'un proche conseiller de celui-ci, qui vient d'arriver dans une gare viennoise.
Les accusés, des réfugiés tchétchènes, nient tout motif politique. L'un raconte une histoire de dette impayée. Le deuxième n'avait rien à faire ce jour-là et a seulement voulu rendre service à un ami. Le troisième se distingue par des déclarations hostiles à Kadyrov, allié de la Russie. Le juge suggère d'interroger le président tchétchène "par vidéoconférence", afin de se faire une idée plus directe que par la voie de l'aide judiciaire - qui devrait passer par Moscou.
Faute de quoi il a pu questionner M. Marty. Au cours d'une visite officielle qui l'a mené en Ingouchie, en Tchétchénie et au Daghestan, le rapporteur du Conseil de l'Europe a été reçu par Ramzan Kadyrov, le 25 mars, près de Grozny. "Violence, arbitraire, impunité" sont les mots par lesquels il résume - "même s'il y a des nuances" - la situation dans les trois républiques touchées par le conflit entre forces prorusses et islamistes indépendantistes. Il évoque la longue liste des disparitions et des exécutions sommaires, des cadavres qui portent des traces de balles et de tortures à la perceuse électrique.
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