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Sommet Ukraine-Russie : un résultat tiède

Les présidents russe et ukrainien, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, réunis à Paris sous le parrainage d'Emmanuel Macron et d'Angela Merkel, ont entériné une série de mesures pour relancer le processus de paix en Ukraine. Ils ont surtout acté leur désaccord sur son volet politique.
par Veronika Dorman
publié le 10 décembre 2019 à 6h58

Un sommet «extrêmement positif», «une relance crédible», mais qui laisse néanmoins l'impression d'un pétard mouillé… Et le dégel annoncé qui ressemble à une nouvelle étape de congélation.

Certes, la dernière rencontre au format Normandie, réunissant les dirigeants ukrainien, russe, français et allemand, pour œuvrer au processus de paix dans l'Est de l'Ukraine, remonte à octobre 2016. Depuis, les négociations étaient au point mort et la guerre dans le Donbass continuait de faire des victimes (plus de 13 000), presque tous les jours, armées comme civiles. «Le fait que nous soyons côte à côte est en soi un résultat important», a insisté Emmanuel Macron, à l'initiative de cette réunion quadripartite, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue tard dans la soirée lundi, sous les ors du palais de l'Elysée. A ses côtés, la chancelière allemande Angela Merkel et les présidents russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky, les traits tirés après les réunions qui se sont succédé toute la journée, se sont tour à tour félicités eux aussi d'un «élan» qui été repris, d'un «dégel», d'un «dialogue débloqué».

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Certes, des «objectifs réalistes» ont été fixés. Un cessez-le-feu intégral avant la fin de l'année, accompagné d'un élargissement du mandat de l'OSCE qui en observera le respect 24 heures sur 24. Un échange de prisonniers «tous contre tous», d'ici le 31 décembre, avec le concours des ONG internationales qui auront un accès illimité à tous les détenus. La réactualisation du plan de déminage dans ce qui est devenu l'un des territoires les plus minés au monde. La création de nouveaux points de passage pour les populations civiles et trois zones de désengagement des forces armées supplémentaires le long de la ligne de front, d'ici mars 2020, en plus des trois qui ont déjà été mises en place avec succès ces dernières semaines. Autant de mesures humanitaires, prévues par les accords de Minsk signés en 2015, essentielles pour commencer à sortir du bourbier de la guerre, dans laquelle 80 000 hommes lourdement armés se font face, de part et d'autre d'un front de 500 kilomètres.

Divergences

Mais, comme attendu, c'est sur le volet politique que la «bonne volonté», pourtant bien partagée à en croire les intéressés, a trébuché. Volodymyr Zelensky, novice en politique et élu sur la promesse de paix est venu à Paris en ayant promis aux Ukrainiens de ne pas capituler face à son homologue russe. En essayant notamment d'inverser le séquençage prévu par les accords de Minsk, selon lequel l'Ukraine ne récupérera le contrôle de sa frontière méridionale avec la Russie que le lendemain d'élections locales et une fois qu'un statut spécial pour les territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk aura été inscrit dans la Constitution ukrainienne. Des mesures que Kiev n'a jamais pu accepter, puisqu'il en va de sa souveraineté. Tant que la frontière n'est pas sécurisée, le Donbass reste de facto perméable à l'intrusion d'hommes et d'armes venus de Russie. Tandis que le statut spécial, tel que défini par Moscou, reviendrait à faire entrer le loup pro-russe dans la bergerie du parlement ukrainien.

«J'ai insisté sur la nécessité de retirer toutes les forces étrangères de notre territoire, pour que les élections puissent se tenir suivant la législation ukrainienne, a expliqué Zelensky. Nous devons récupérer le contrôle de notre frontière avant les élections.» Poutine a répété, placidement, comme on explique quelque chose pour la douzième fois à un enfant, qu'il suffisait de relire les accords de Minsk, la Russie entend s'y tenir à la lettre. «C'est écrit comme ça. Pourquoi éventrer ces accords et les réécrire ? Tous les points sont liés entre eux et si on en éventre un, il faudra réécrire aussi les autres et nous perdrons tout.»

Poutine gagnant

«Le président Zelensky assure. Il tient bien ses positions, très fermement», s'est félicité entre deux réunions le ministre de l'Intérieur ukrainien, Arsen Avakov. Mais c'est surtout Vladimir Poutine, arrivé à Paris en position de force, qui n'a rien lâché, tout en acceptant de faire les gestes de bonne grâce qui ne lui coûtent rien politiquement, et ménagent les «partenaires européens». En particulier l'hôte français, pressé de jouer un rôle déterminant dans «la stabilité du continent européen, et la construction d'une nouvelle architecture de confiance et de sécurité». Pour continuer d'avancer sur tous ces sujets aussi délicats qu'inextricables, le quatuor, admettant qu'il restait encore beaucoup de travail, s'est donné un nouveau rendez-vous, au même format, d'ici quatre mois.

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